Pour rappel, la dissonance cognitive est une situation mentale inconfortable qui se produit lorsque deux idées, croyances ou comportements en conflit coexistent dans l’esprit d’un individu. Cela peut entraîner un sentiment de confusion, de stress et d’inconfort, et peut inciter l’individu à chercher à résoudre le conflit en modifiant l’une de ses croyances ou comportements.
Depuis les travaux fondateurs de Festinger sur la dissonance cognitive dans les années 1950, des chercheurs ont étendu l’application de cette théorie à de nombreux domaines de la psychologie et des sciences sociales. Par exemple, la dissonance cognitive a été utilisée pour comprendre les processus de perception de soi, les relations interpersonnelles, les comportements de consommation, les choix de santé et les attitudes politiques.
Thompson et Zanna (1995) ont examiné comment la dissonance cognitive peut aider à expliquer pourquoi les personnes restent dans des relations abusives malgré des preuves claires de violence et de maltraitance.
Les chercheurs ont proposé que les personnes dans des relations abusives peuvent éprouver une dissonance cognitive en raison de la contradiction entre leur perception d’elles-mêmes en tant que personne aimée et respectée et les comportements violents ou maltraitants de leur partenaire. Pour réduire cette dissonance, les individus peuvent chercher à rationaliser ou minimiser les comportements abusifs de leur partenaire.
Dans leur étude, Thompson et Zanna ont demandé à des femmes d’imaginer qu’elles étaient dans une relation avec un partenaire violent et de décrire comment elles se sentiraient et agiraient dans cette situation. Les chercheurs ont ensuite présenté aux femmes des informations sur les effets à long terme de la violence domestique, ainsi que des ressources pour obtenir de l’aide pour quitter la relation abusive.
Les résultats de l’étude ont montré que les femmes qui ont reçu ces informations ont éprouvé une plus grande dissonance cognitive que celles qui n’ont pas reçu ces informations. De plus, les femmes qui ont éprouvé une plus grande dissonance cognitive ont été plus susceptibles de chercher de l’aide pour quitter la relation abusive.
Ces résultats suggèrent que la dissonance cognitive peut être un facteur important dans les relations abusives et que fournir des informations supplémentaires peut aider les individus à réduire leur dissonance cognitive et à prendre des mesures pour quitter des relations abusives.
L’étude d’Armitage et Conner (2001) s’inscrit dans le cadre de la théorie de l’action planifiée (Theory of Planned Behavior), une théorie bien établie dans la psychologie sociale qui explique comment les attitudes, les normes sociales et le contrôle comportemental influencent les comportements intentionnels et réels des individus. Selon cette théorie, les attitudes, les normes sociales et le contrôle comportemental sont les trois facteurs clés qui déterminent les intentions comportementales des individus.
Dans cette étude, Armitage et Conner ont cherché à comprendre comment la dissonance cognitive peut affecter les attitudes et les comportements de santé, en se concentrant spécifiquement sur la consommation de tabac. Ils ont proposé que lorsque les individus ont des comportements de santé qui ne sont pas cohérents avec leurs attitudes ou leurs croyances, cela peut créer une tension psychologique appelée dissonance cognitive. Pour réduire cette dissonance, les individus peuvent changer leurs attitudes ou leurs comportements pour les rendre plus cohérents.
Ainsi, dans cette étude, les participants qui ont fumé malgré leur attitude négative envers la consommation de tabac ont éprouvé de la dissonance cognitive, car leur comportement n’était pas cohérent avec leur attitude. Pour réduire cette dissonance, les participants étaient plus susceptibles de changer leur attitude envers la consommation de tabac pour la rendre plus cohérente avec leur comportement. Cela suggère que les individus peuvent ajuster leurs attitudes pour réduire la tension psychologique associée à la dissonance cognitive.
De plus, l’étude a montré que les participants qui ont éprouvé de la dissonance cognitive étaient moins susceptibles d’avoir l’intention de fumer à l’avenir, ce qui suggère que la dissonance cognitive peut avoir un effet sur les comportements de santé futurs. Ces résultats sont importants pour la prévention et l’intervention en matière de santé, car ils suggèrent que la prise de conscience de la dissonance cognitive peut aider à promouvoir des comportements de santé plus cohérents avec les attitudes et les croyances des individus.
Leventhal et ses collègues (1965) ont utilisé la dissonance cognitive pour expliquer pourquoi les individus peuvent ne pas soutenir une politique publique, même si elle est dans leur intérêt personnel.
Leventhal s’est concentré sur la manière dont les messages de santé peuvent influencer le comportement de prévention de la maladie chez les individus. Ils ont proposé que les messages de santé qui mettent en évidence les risques et les conséquences négatives de la maladie peuvent avoir un effet dissuasif sur le comportement de l’individu. Cependant, ils ont également suggéré que ces messages peuvent provoquer de la dissonance cognitive chez les individus, ce qui peut les amener à rejeter les messages ou à les ignorer.
Pour tester cette hypothèse, Leventhal et ses collègues ont mené une expérience dans laquelle les participants ont été exposés à des messages sur les dangers du tabagisme. Certains participants ont été exposés à des messages qui mettaient en évidence les risques et les conséquences négatives de la maladie, tandis que d’autres ont été exposés à des messages qui fournissaient des informations sur les méthodes de prévention et de traitement de la maladie.
Les résultats ont montré que les participants qui ont été exposés aux messages mettant en évidence les risques et les conséquences négatives de la maladie étaient plus susceptibles de ressentir de la dissonance cognitive que ceux qui ont été exposés aux messages de prévention et de traitement. Cela suggère que les messages qui mettent en évidence les risques et les conséquences négatives de la maladie peuvent être efficaces pour dissuader les individus de prendre des risques de santé, mais qu’ils peuvent également provoquer de la dissonance cognitive chez certains individus.
Les chercheurs ont également constaté que la dissonance cognitive était plus fréquente chez les participants qui étaient plus attachés au tabagisme. Cela suggère que la dissonance cognitive est plus probable lorsque les individus ont une forte identité comportementale en lien avec la santé, ce qui peut les amener à rejeter les messages de santé qui vont à l’encontre de leurs croyances et comportements actuels.
Références :
Thompson, S. C., & Zanna, M. P. (1995). The role of dissonance reduction in the persistence of a private attitude following public disconfirmation. Journal of Experimental Social Psychology, 31(2), 124-148.
Armitage, C. J., & Conner, M. (2001). Efficacy of the theory of planned behaviour: A meta-analytic review. British Journal of Social Psychology, 40(4), 471-499.
Leventhal, H., & Watts, J. C. (1966). The effect of fear and specificity of recommendation upon attitudes and behavior. Journal of Personality and Social Psychology, 4(2), 203-210.